Référence(s)

Frédéric VITOUX, L’Ours et le Philosophe, Paris, Grasset, 2022, 384 p. ISBN 978-2-246-82898-3

Voici un récit, bien mené et parfois jubilatoire, qui fait apparaître le sculpteur Falconet, que Diderot nommait « mon compère l’ours, » et Diderot, « le Philosophe ». C’est à leur grande querelle épistolaire « le pour et le contre », ce que Benrekassa a appellé « le grand scénario » sur la postérité, que Frédéric Vitoux consacre ce livre. Les diderotistes, lecteurs de la correspondance, connaissent bien l’échange de lettres, de 1765 et 1767, entre le sculpteur parti en Russie et Diderot demeuré parisien, avant son voyage russe. On peut avoir lu, et même médité ces lettres : la lecture du récit de Vitoux demeure profitable tant est finement abordée, ou plutôt accompagnée, une des questions posées, celle de la postérité.  On apprécie aussi la façon dont sont traitées les questions non résolues, les lacunes biographiques qui émaillent cette correspondance, notamment ce qui concerne le statut de « Mademoiselle Victoire », Anne Marie Collot.

Scandé par des excursions personnelles amicales, et surtout par des évocations farfelues mais bienvenues (le bouledogue de Tex Avery, par exemple), ou ponctué par d’étranges mais logiques croisements – celui des tristes départs, celui de Diderot quittant Saint-Pétersbourg et celui de Céline quittant Leningrad – cette vision d’une amitié, un peu rêvée par l’auteur, donne envie de se replonger dans cet échange de lettres !

Quel que soit le charme de ce récit d’académicien, il faut en signaler les erreurs ! On ne laissera pas croire à son auteur ni à ses lecteurs que l’Encyclopédie était achevée en 1765, car Diderot est alors  attelé aux Planches dont il est le principal éditeur, travail qui va l’occuper très fortement quelques années encore ; que l’article cité ici p. 214, sur le murmure de la postérité, est  l’article Philosophe de Dumarsais, alors qu’ il s’agit du grand article Encyclopédie, écrit par Diderot en 1755 ; on ne laissera pas croire non plus croire que cet échange de lettres n’attira que peu d’études : pensons notamment, outre celles citées de Benot et de Buffat,  à celles de H. Dieckmann, de J. Seznec, de M. Posada, E. Hill, et ou d’A. B. Weinshenker qui, outre la question de la postérité, regardent aussi la critique d’art et les points de vue divergents et abondants du sculpteur et du philosophe. Enfin, qu’en plus des réponses de la tsarine au questionnaire de Diderot (qu’on peut lire depuis 2002 dans RDE), les travaux de G. Dulac, très bientôt disponibles dans l’édition DPV, permettent de revoir tout autrement le bilan du séjour russe de Diderot !

Marie Leca-Tsiomis
Université Paris-Nanterre